Les ETF européens connaissent une croissance soutenue, avec un taux de croissance annuel de 18,6 % au cours des dix dernières années, atteignant 2 600 milliards d’euros d'actifs en juillet 2025. Nombreux sont les analystes qui prévoient un doublement des encours d'ici 2030, pour dépasser 5 000 milliards d’euros, voire 8 000 milliards d’euros chez les plus optimistes. Dans ce contexte, certains gestionnaires d'actifs qui n’offrent pas encore d'ETF envisagent de se lancer sur ce marché, notamment en lançant une classe ETF au sein de leurs fonds existants. A l’inverse, des émetteurs d’ETF européens ajoutent des classes de parts de fonds commun de placement dans leurs structures existantes. Beaucoup d'autres songent à faire de même.
Cadre réglementaire
Au Luxembourg, la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) a été le premier régulateur en Europe à approuver la coexistence des classes de parts cotées et non cotées dans un même compartiment, suivie en 2018 par la Banque Centrale d'Irlande (CBI) Si toutes deux ont approuvé cette structure, il existait toutefois certaines divergences quant à la manière dont les classes de parts devaient être nommées. La CBI a, à la suite d'une consultation, assouplit sa position en 2024 et autorise désormais la mention “UCITS ETF” soit au niveau de la classe de part, soit au niveau du compartiment, au choix des gérants. Cette approche est globalement proche de celle adoptée par la CSSF.
Adoption par le marché
Le volume des parts cotées et non cotées au sein d’un même compartiment (que nous appelons « fonds hybrides ») est significatif au Luxembourg, certaines estimations évoquant jusqu'à 80 milliards d'euros d'actifs. À l'inverse, l’Irlande n’a pas encore connu d’engouement marqué pour ce type de fonds hybrides : seuls quelques gérants d’actifs se sont lancés. Toutefois, le changement de politique de la CBI pourrait servir de catalyseur pour inverser cette tendance.
“Alors, pourquoi un gérant d'actifs envisagerait-il cette option ? Et quels en sont les avantages tant pour les gérants que pour les investisseurs ? Voici quelques points clés,” livre Eamonn O’Callaghan, Group Product Manager ETF à CACEIS.
Pour les gestionnaires d'actifs
Distribution – De nombreux investisseurs privilégient l'enveloppe ETF et n’envisagent pas d'investir dans un fonds commun. L’inverse est également vrai. Ainsi chacun tend à investir via le support qui lui est familier : même s’ils apprécient une stratégie disponible dans un autre format, ils ne souhaitent pas finalement l’acheter en raison de leur préférence. Les gérants qui parviennent à surmonter cette fracture et à lancer des fonds mixtes ouvrent un nouveau canal de distribution et vendent leurs produits à de nouveaux investisseurs, augmentant ainsi le volume d’actifs des fonds.
S’appuyer sur l’infrastructure existante – Le lancement d'un nouveau fonds parapluie UCITS ETF implique du temps et des coûts. En choisissant un fonds hybride, les gérants tirent parti du cadre juridique et du processus opérationnel déjà en place ce qui facilite la mise sur le marché, permet de capitaliser sur les rendements historiques et de réduire les coûts.
Sonder le terrain – Lorsqu’on lance une nouvelle stratégie, l’appétit des investisseurs est toujours incertain. Créer une classe de part permet d’entrer rapidement sur le marché et d’en mesurer la demande, avant de développer une gamme dédiée.
Pour les investisseurs
Un plus grand choix –En offrant la possibilité d'investir dans les deux types de classes, les investisseurs peuvent sélectionner ce qui convient le mieux à leur besoin (ETF ou fonds commun de placement).
Élargir les opportunités d'investissement – Le lancement d’une classe d’ETF par un gestionnaire de fonds communs de placement permet aux investisseurs en ETF d’accéder à une stratégie d’investissement qu’ils n’auraient peut-être pas eu via le tracker coté. Il en est de même lorsque les émetteurs d'ETF créent des classes de parts de fonds communs.
Contourner certaines contraintes de plateforme – Les gérants sous mandat discrétionnaire ou les courtiers qui ne peuvent pas accéder aux produits cotés via leurs plateformes numériques peuvent plus facilement acheter la classe non cotée d'un ETF.
Points à examiner avant de se lancer
Plusieurs éléments doivent être pris en compte :
- Documentation des fonds - mise à jour du prospectus pour inclure les nouvelles classes; création d’un nouveau formulaire de souscription, un KIID et une fiche produit peuvent être nécessaires.
- Contrats - ale gestionnaire d'actifs de fonds communs de placement devra conclure des accords avec différents intervenants : agent de cotation (listing agent), Market Maker, participant autorisé (AP), dépositaire central, agent payeur, ICSD et selon le marché, un agent iNAV (intraday net asset value).
- Valorisation - les fonds appliquent la tarification « swing pricing », tandis que les ETF utilisent la valeur liquidative ou le coût réel. Le traitement de ces coûts doit être défini avant le lancement.
- Marchés des capitaux - un responsable des marchés des capitaux, rôle clé au sein d’une équipe ETF pour la relation avec les AP et les Market Makers, devra être identifié par le gérant de fonds.
- Fiscalité – le taux d'imposition réduit appliqué aux dividendes américains pour les ETF domiciliés en Irlande n'est pas garanti si un gérant lance une classe de part ETF dans un fonds. Inversement, créer une classe de fonds communs pourrait affecter le statut fiscal d’un ETF existant.
En conclusion
À ce jour, le Luxembourg a enregistré une adoption bien plus large de ces structures que l'Irlande. Le récent assouplissement de politique de la CBI devrait toutefois encourager une hausse des lancements sur le marché irlandais. Cette approche offre des atouts évidents aux gérants d'actifs comme aux investisseurs : accélération du time-to-market, ouverture de nouveaux canaux de distribution et élargissement des choix disponibles. Verrons-nous bientôt chaque ETF disposer d’une classe de part de fonds communs et inversement? Peut-être...
CACEIS accompagne les émetteurs d'ETF domiciliés en Irlande et au Luxembourg. “Avec plus de 125 milliards d'euros d'actifs administrés, nous sommes le quatrième prestataire de services aux ETF en Europe. Nous soutenons déjà des classes de parts cotées et non cotées pour de nombreux gérants et nous disposons de la connaissance, ainsi que des infrastructures techniques et opérationnelles nécessaires pour accompagner nos clients dans leurs projets”, ajoute Paddy Walsh, Head of Business Development - Ireland à CACEIS.
